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samedi 10 août 2013
Archidiocèse de Bangui
BP 798 BANGUI
République Centrafricaine
Tél. +236 75042029
Son Excellence Serge MUCETTI
Ambassadeur et Haut Représentant de la France auprès de la Centrafrique
Ambassade de France
BANGUI
LETTRE DE PROTESTATION FACE AUX HORREURS ET AUX SOUFFRANCES IMPOSEES AU PEUPLE CENTRAFRICAIN
Excellence,
Nous, Evêques, Pasteurs et la voix des sans-voix, après avoir pris le temps d’écouter le peuple en souffrance, trouvons judicieux de vous adresser cette lettre.
La date du 10 décembre 2012 marque le commencement d’un long calvaire dans lequel le peuple centrafricain a été plongé. En effet la coalition des rebelles de Seleka s’est levée ce matin-là avec des crépitements des engins de mort pour envahir en peu de temps Ndélé, Bamingui, Mbrés, Kaga-Bandoro, Sam Oundja, Bria, Ippy, Bambari, Grimari, Sibut, Damara, Kabo, Batangafo. Ils ont justifié ce mouvement par le non-respect par BOZIZE des accords de Libreville de 2008 en exigeant son départ. Leurs prouesses militaires étaient amplifiées et commentées minute après minute sur les ondes internationales, notamment Radio France Internationale (RFI). Leur avancée a été rendue facile par la déliquescence de l’armée nationale. La Conférence des Evêques de Centrafrique (CECA) constate toutefois que le terrain a été laissé libre aux hommes forts du moment qui ont imposé leurs lois à la population des villes conquises.
C’est dans cette ambiance d’intenses angoisses que s’était organisé le dialogue de Libreville qui a officiellement abouti à l’arrêt des hostilités et à la conclusion d’un accord de paix censé ramener la quiétude à une population traumatisée. Ce dernier a posé les bases d’un gouvernement d’union nationale dirigé parMe Nicolas TIANGAYE. Le pire aurait pu ainsi être évité. Les signataires des accords ont eu gain de cause. Cependant les rebelles et les mercenaires restés sur le terrain continuaient impunément les exactions, les pillages, les destructions, les viols… Le commerce et les ressources minières étaient sous leur contrôle. Les zones conquises se sont élargiesdavantage avec la prise de Kouango,Alindao, Kembe, Mobaye, Bangassou, Bouca, Batangafo, Bossasngoa, Bossembele, Boali. Qu’en est-il exactement de l’application des accords de Libreville ? Nous en constatons le non-respect de part et d’autre : la mise en place du gouvernement d’union nationale avec la nomination des ministres délégués, la non-libération des détenus politiques, le non-cantonnement des éléments de SELEKA, la conquête de nouvelles villes. Les acteurs se sont bien moqués du peuple centrafricain pris en otage.
Le peuple centrafricain l’a constaté avec amertume et consternation lorsque les ministres de la coalition SELEKA au sein du gouvernement d’union nationale ont organisé leur abduction.Quels engagements la communauté internationale a-t-elle pris en vue de garantir le respect des accords de Libreville ? La logique guerrière a prévalu sur le dialogue, d’où le coup d’Etat du 24 mars 2013.
Admettons que la coalition SELEKA soit portée par le souci de libérer le peuple centrafricain des souffrances et de l’injustice. Ce but n’a-t-il pas été atteint le dimanche 24 mars lorsque les forces de SELEKA ont conquis le pouvoir par la force des armes ? Comment alors expliquer l’extension des rebelles vers M’Baïki, Boda, Berbérati, Nola, Carnot, Baoro, Bouar, etc. ? Aucune ville de Centrafrique n’a été épargnée par cette razzia. Le peuple est pris en otage et vit dans la peur.
La libération a vite tourné en désenchantement. Les déclarations des nouvelles autorités sont aussitôt démenties par les actes et les décisions qu’elles posent :
Du 13 au 16 avril 2013, sous prétexte de désarmement, des quartiers du 7ième et du 4ième arrondissement de la ville de Bangui ont été bouclés par les éléments de SELEKA. Au lieu du ramassage d’armes, la population banguissoise a assisté à un spectacle révoltant. Les habitants de ces arrondissements pris en otage étaient partis en débandade dans tous les sens.
Non seulement les éléments de SELEKA les traquaient comme des bêtes de somme, mais ils se sont livrés à des braquages et des pillages de leurs propriétés. Subitement les armes se sont transformées en mobilier, réfrigérateurs, téléviseurs, lecteurs CD, ordinateurs et autres biens de valeur dont raffolent ces mercenaires qui se servent aux dépens de la population centrafricaine. Ce sont des voitures remplies de ces butins, disons plutôt de ces trophées de guerre, qui dévalèrent du quartier de Boy Rabe au vu et au su de tout le monde dans une indifférence déconcertante vers les quartiers de MISKINE, KM5, COMBATTANT et autres destinations. Cette scène fait désormais partie du décor. Pendant qu’on distrait le peuple en évoquant les méfaits de BOZIZE, les éléments de SELEKA refusent de se désarmer puisqu’ils ont besoin de ces engins de mort pour commettre leurs forfaits. Les braquages se font de jour et de nuit. Aucune condamnation n’est venue des nouvelles autorités qui justifient l’indéfendable en dépit du bon sens.
Par ailleurs la Conférence des Evêques de Centrafrique proteste vigoureusement contre les exactions que les éléments de SELEKA ont commises contre les Eglises, en particulier l’Eglise catholique qui a été prise pour cible. Ces exactions révèlent une ferme volonté de nuire à la pratique de la foi chrétienne et d’empêcher l’oeuvre d’évangélisation. Le constat est sans équivoque. Dans la plupart des villes occupées, les musulmans vaquent librement à leurs occupations et s’occupent allègrement de leurs commerces. Ils ne sont pas inquiétés dans leur intégrité physique pendant que nous déplorons :
Excellence, les temps sont graves et les souffrances du peuple centrafricain sont inadmissibles. Comment comprendre votre silence qui pourrait être interprété comme complicité ? Nous attendons que vous jouiez de votre autorité pour une résolution pacifique de cette crise et rappeler aux nouvelles autorités de Bangui et la Communauté Internationale leurs engagements en faveur du bien-être et du développement du peuple centrafricain :
Dans le respect des valeurs démocratiques que vous incarnez, la Conférence des Evêques de Centrafrique compte sur votre diligence pour faire entendre le cri du peuple centrafricain opprimé et en souffrance.
Veuillez agréer, Excellence, l’expression de nos salutations distinguées.
Fait à Bangui, le 23 avril 2013
S. E. Mgr Dieudonné NZAPALAINGA, Archevêque de Bangui
S. E. Mgr Nestor Désiré NONGO AZIAGBIA, Evêque de Bossangoa
S. E. Mgr Cyr Nestor YAPAUPA, Evêque coadjuteur d’Alindao
Ampliation :
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